11 nov. 2011

Oh! Tiger Mountain : interview

MUSIC : INTERVIEW

Plantons le décor :

Roxy Music
Tom Waits

Brian Eno

C’est plutôt un bon décor ! J’ai aussi beaucoup, beaucoup bouffé d’indie rock des 90s (Pavement/Sebadoh en tête de liste), de garage 50s-60s (compilations Nuggets, Born Bad, Peebles, Back From The Grave, The Monks, The Seeds…) et je suis passionné par pas mal de trucs qui se passent en ce moment. Mes obsessions : (feu) Broadcast, Deerhunter/Atlas Sound, Thee Oh Sees, Kurt Vile, Dirty Projectors, Deerhoof, Sun Araw, Ducktails/Woods et tout le label Woodsist, Bill Callahan, et certaines musiques d’ailleurs (Rumba Congolaise, Blues Malien, le label Sublime Frequencies…).


« Oh ! Tiger Mountain », comment as-tu vu le jour ?

J’ai toujours « fait » de la musique, mais à un moment je me suis retrouvé un peu coincé (comme cela arrive régulièrement à tout le monde je suppose) et il fallait agir.

Je ne savais vraiment pas trop comment m’y prendre tout seul, alors j’ai dû tout apprendre. Apprendre à chanter avec ma vraie voix, écrire des morceaux dont je n’aurais pas trop honte et aussi à les enregistrer… J’avais le nom bien avant d’avoir le « projet ». Ce nom m’est venu un après-midi, dans l’adversité, presque automatiquement, tout seul, il s’est écrit sur le papier et c’était bien. Ça faisait du bien, rien que de le voir écrit comme ça…J’ai tourné un peu tout seul, sans trop réfléchir et puis j’ai laissé les choses se construire petit à petit.

Il me semble que l’idée était de tourner autour de la notion de contrainte, de s’en servir, de jouer avec le manque de moyens (logistiques, techniques, financiers) et de le tourner à mon avantage. Alors au début c’est sûr, c’était la guitare en bois et le « folk », mais c’est pas ça que je voulais faire vraiment au fond (je ne sais toujours pas), donc je suis allé peut-être un peu plus loin dans le minimalisme en basculant vers l’électricité et puis je me suis acheté ma baguette magique, cette guitare baryton, un instrument très étonnant…et j’ai convaincu mon ami Kid Francescoli de me rejoindre sur scène.


Ton album Sings Suzie  est sorti au mois d’octobre chez Microphone Recordings / Emergence, raconte nous un peu l’aventure du disque ? 

Image de Et bien justement ce disque c’est un peu un documentaire sur la construction de l’identité Oh! Tiger Mountain…C’est une compilation quelque part ! Sings Suzie regroupe des enregistrements que j’ai réalisé seul entre fin 2008 et début 2010 : je voulais sortir du truc folk et donc je cherche, je me cherche, j’essaie tout un tas de truc. A ce moment là je ne sais pas trop comment on fait ça, enregistrer un disque, alors j’apprends en le faisant : la meilleure école. J’ai fait les prises et le mixage dans diverses chambres avec un vieux pc et une carte son 2 entrées et deux pauvres micros, un 4-Pistes cassettes et un vieux Revox 2-Pistes…C’était avant que je me mette à fréquenter Kid Francescoli, Hawaii Fantôme et Johnny Hawaii avec qui j’ai fondé le collectif Microphone Recordings.

C’est aussi le récit d’une période où je sentais tout bouger, tout changer, une période magique au sens noble du terme, riche en découvertes et en expériences, avec du bon et du moins bon…


Ta musique est très visuelle, finalement assez ambiante dans le sens où elle transporte dans divers univers. Quand tu composes, à quelles rêveries te laisses-tu aller ?

Je ne sais pas vraiment raconter des histoires avec des mots, donc j’essaie autant que possible de figer une image, un truc assez simple ; et c’est vrai que j’accorde beaucoup d’importance à l’espace entre deux notes ou aux ambiances sonores, ça aide à installer quelque chose d’emblée.

Cela peut sembler très cliché mais pour moi, les vrais moments d’inspiration sont vraiment fascinants dans le sens où, plus que des notes ou des mots, c’est véritablement un instant qui s’offre complètement à qui sait le prendre, une forme de perfection qui est presque l’opposé d’une rêverie finalement. Un instant de vérité extra-lucide en dehors du temps, la simplicité même.

Le truc que je préfère, c’est avoir quelque chose qui me tourne dans la tête pendant quelques jours pour enfin sortir comme ça, d’un coup, paroles, musique, structure…tout est posé en un tour de main.


L’adage qui veut qu’on ne compose brillamment que si l’on est malheureux, qu’en penses-tu ?

Lorsque je suis vraiment malheureux, je ne peux plus rien faire, je suis paralysé…Si je compose c’est que tout va déjà un peu mieux et que je peux enfin profiter de tout ce bon désespoir pour faire quelque chose !


Oh ! Tiger Mountain en live, ça donne quoi ?

Nous sommes deux, Kid Francescoli a une petite batterie électronique bourrée de sons de boites à rythme des années 70/80, un tom basse, un tambourin et un petit clavier. Je chante et je joue de la guitare, entre les morceaux je dis des bêtises en dehors du micro…Je pense que c’est sur scène que l’on peut vraiment voir Oh! Tiger Mountain sous sa forme la plus aboutie et la plus cohérente.


Si l’album de Brian Eno sorti en 1974 s’était appelé Taking Dolphin Ocean, serais-tu devenu chanteur glam aquatique avec un masque de Cousteau (raconte un peu ton rapport avec cet album) ?

J’aurai pu être fan de Goat Head Soup des Stones!

J’ai laissé faire et le tigre est venu tout seul, c’est très étrange.

Je suis fan des albums pop de Brian Eno (Here Comes The Warm Jets, Taking Tiger Mountain, Before & After Science, Another Green World) et des deux premiers Roxy Music, bien sûr…Eno a rejoint sur la tard mon panthéon personnel aux côté de Nick Drake, Tom Waits, Captain Beefheart ou Lee Hazlewood de par sa capacité à s’exprimer, comme eux, très simplement dans une langue toute neuve.

Je crois que c’est surtout la simplicité (de surface) de ces disques qui m’a séduit…et un côté très organique dans l’utilisation de la technologie. Mais j’avoue que je ne m’explique toujours pas pourquoi « Tiger Mountain »…peut-être l’exotisme ou le côté mythologique! Il y a comme une histoire.

Le masque c’est pareil, on me l’a donné. J’en avais besoin, maintenant je ne le mets plus, il m’accompagne c’est tout.


Et derrière le masque de tigre, qui es-tu justement ?

Et bien bizarrement, rien de plus ni de moins je crois…


Ton pire souvenir de musicien ?

Être trop ivre pour pouvoir coordonner mes mouvements, sur scène, devant une quarantaine de personnes. Puis rater mon train. Puis effectuer la sympathique dizaine d’heures du trajet retour. « Connais-toi toi-même »…Plus jamais!


Tes projets pour 2012 ?

Je participe à une création d’Hubert Colas au Théâtre de Gennevilliers cet hiver, puis nous allons repartir sur la route jusqu’à l’été…Je vais aussi beaucoup m’occuper de Microphone Recordings et tenter de réaliser quelques beaux objets avec mes amis marseillais.


Si tu pouvais choisir la suite de ta carrière musicale (rencontres, concerts, tournées, succès…), ce serait quoi ?

Bon, survivre déjà…sans avoir à couper des patates où que ce soit. Continuer de voyager, faire un second disque …Continuer, tout simplement!



Une dernière en ces temps grisonnants parisiens : Tu es originaire de Marseille, or sur les dernières vidéos de toi, tu n’as plus du tout l’accent du sud, comment l’as-tu donc perdu !?
Je ne l’ai jamais vraiment eu ! J’y peux rien, je suis pointu-pointu…
Maintenant c’est mon acolyte Kid Francescoli qui se charge de l’accent-soleil !

Crédits photo (avec Kid) : Eva E. Davier
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