Quand il s'agit de découvrir des artistes français, on est parfois déçus. Cette fois-ci grosse grosse bonne surprise avec Temple Vengeance. C'est à Belleville, dans leur domicile, que la rencontre a lieu. Cultivant le mystère et toute une mythologie structurée autour de leurs personnages, le duo nous a concocté une tripotée de bon gros mythos et quelques vérités. Nous laissant prendre au jeu, et sans jamais réussir à dénouer le vrai du faux, avouons que parler grimoires codés, dessins contemporains, solutions Internet et cérémonies cheloues sur fond de musique chiptune, n'est décidément pas pour nous déplaire.
Scotch artiste, virée des Beaux Arts et issue d'une formation en
scénographie, Iris m'invite direct à boire du vin accompagné de quelques
Wasa. La messe est dite et j'ai un peu l'impression de passer ma
communion. Elle me parle de son adolescence en Russie, comme nous, on se
souviendrait de nos vacances à la Baule:
Iris : Je me retrouve dans cette station de ski désaffectée au sud de
la Russie, à me baigner dans une rivière pendant deux heures, et à
force de pas de traduction, tu finis par comprendre que l'eau est
radioactive, parce qu'il y a les eaux usées de la centrale juste en
amont.
Iris radioactive, donc, qui fait du tape art, c'est tout ?
Iris : J'ai une approche très scénaristique. Mes scotchs ont l'air
super abstraits, alors qu'en fait ce sont des images codées d'images
très précises. Le fait de figurer des angles c'est une sorte de point de
fuite vers une réalité qui n'existe pas. C'est de la fausse 3D, une
mise en abime constante, avec plusieurs couches d'interprétation donc
une lecture très hermétique. Comme pour les alchimistes qui codaient
leur recettes.. Par exemple mes recherches sur Faust cadrent vraiment
bien avec mon travail sur le scotch et les dimensions. Pouvoir accéder à
un univers parallèle, qui possède un sens pour les initiés.
Alchimie, sceaux, sorcellerie, ça vient d'où cet intérêt pour le mysticisme et l'obscurantisme ?
Iris : En fait, il y a deux-trois ans j'ai hérité d'une bague à
poison de ma grand mère Tchèque contenant une dose létale de cyanure. Ça
a fini d'abattre le dernier rempart qui m'empêchait de me lancer
vraiment dans mes recherches sur la sorcellerie de mère en filles,
sigils et incantations. Pas forcément dans les rites, mais dans
l'écriture et les formes de visualisation.
De son côté, Mike, se la joue pépère, devant son Mac, clope
roulée au bec et bière inconnue au dialecte germanique à portée de main.
Alors, et toi, la vengeance, tout ça ?
Mike : Moi j'arrêtais le collectif Pink Poseidon, et avec Iris on a
créé Temple Vengeance, sur la glorification de cette volonté de nuire,
de la vengeance de dieu.
Viré de la Drac, artiste né, qui dessine, graffe et peint
depuis 15 ans... Mike, après avoir bouffé pléthore de livres sur des
artistes de tout bord, tu choisis le dessin contemporain. Tu nous
expliques ?
Mike : C'est cultiver le mauvais genre, avec un coté crado. C'est
entre la culture populaire et l'art brut. Et puis ces pages déchirées
format A4 sous cadre, avec un dessin dessus sont de plus en plus
considérées comme des œuvres à part entière. Moi je fonctionne par série
de 15, que j'expose, vends ou qui sont utilisés comme visuels pour des
CD, des flys...
Et tes tatouages, ce sont aussi tes dessins, sauf le tout petit triangle sur l'avant bras, celui-là, c'est quoi son histoire ?
Mike: Il y a 10 ans j'étais à Cayenne pour mon service en tant que
fusilier marin. C'était n'importe quoi la-bas. On consommait pas mal de
cocaïne et de crack et une fois on s'est retrouvés dans une sorte de
cérémonie religieuse animiste un peu limite. Il y avait des femmes en
transe qui se faisaient posséder par l'esprit. Et c'est au sortir de
cette cérémonie que je me suis fait faire ce premier tatouage. C'était à
l'arrache, très furtif, j'étais surtout très défoncé.
La rencontre, c'est quand quoi comment ?
Iris : Il y a 2 ans, dans le métro, je vois un clodo étrange qui
commence à scander des prédictions, il ressemblait à Klaus Kinski, mais
en black, avec les yeux révulsés. Il avait un klebs énorme! T'avais
l'impression d'un chien de l'enfer qui te toisant, super digne. Tout le
monde dans la rame se barrait.
Et toi Mike, t'étais où?
Mike: J'étais dans la même rame et ça nous faisait marrer tous les
deux. On se rendait en plus à la même expo de Modèle Puissance à la
Place Verte. On a vu qu'on avait les mêmes potes donc on a commencé à
parler.
Pour l'heure, le projet reste très conceptuel, hyper
scénarisé, fantasmé et structuré. L'idée, c'est de tricoter une
mythologie autour des deux personnages. Créer une sorte de religion. Une
secte. Un culte?
Iris : On fait plein d'expos et petit à petit on construit une espèce
de mappemonde. On plante des drapeaux, à Varsovie, en Italie, etc...
Des bastions. C'est une pseudo religion, avec toute une ramification
pseudo réelle, avec de la musique aussi. On produit des œuvres en
collaboration qui peuvent servir à tout et n'importe quoi, comme la
scénographie d'une galerie, ou le visuel d'un produit.
Vos deux univers se complètent parfaitement. Temple = très
géométrique, structuré, construit, en 2D/fausse 3D, et Vengeance, plus
dans le ressenti, l'instinctif et l'émerveillement des sens avec un
trait plus humanisé.
Iris : Je vais plus être dans la théorie, l'interprétation,
l'adaptation de texte, et lui ça va être plus une forme de pratique
sensible et instinctive.
Mike : C'est pas juste instinctif, c'est aussi une digestion de tout
ce que j'ai pu bouffer en livres et connaissance des arts depuis 14 ans.
J'ai cru comprendre que vous faisiez équipe avec des développeurs et mettez en route une tonne de projets internet assez fous...
Iris : On a commencé à sympathiser avec la team de Musiques
Incongrues, et toute la communauté autour du forum. Les deux créateurs
sont super engagés dans l'Internet libéré, l'Open source et tous ces
trucs là. On a fait par exemple Mille Milliards De Hasards, c'est un
générateur d'identité. On avait besoin de développeurs, ils avaient
besoin de graphistes, on s'est bien trouvés, en plus ils sont super
réactifs, on parle d'un projet, c'est fait dans la semaine. Ils
apportent la technologie qui manque, comme par exemple le système de
miroir de sauvegarde de données. Ça enregistre en temps réel les données
du net, comme ça, on a toujours une sauvegarde indestructible et c'est
super utile pour Cobra Foutre par exemple.
Depuis deux ans, vous gérez un site conceptuel en trinôme avec Goupil Acnéique: Cobra Foutre...
Iris : Cobra est sensé représenter une forme de digestion organisée
du random d'Internet. Tu tombes forcément sur des site où t'as pas envie
de tomber, mais ta curiosité fait que tu vois une image que t'as pas
envie de voir. C'est le coté mi-voyeur, mi-hasardeux. Quand tu commences
à l'organiser, ça peut faire une collection d'images assez incroyables
qui va du catalogue de La Redoute aux images de sites pédophiles. Ça
finit par donner un cadavre exquis et on prend toujours en compte la
dernière image du dernier post pour le prochain.
Mike : On fait aussi le lien avec des artistes contemporains, qu'on
mêle à tout ça en une forme linéaire. Ça devient une espèce de
continuité qu'on prend à l'envers. C'est pour ça : God hates blogs taken
in reverse x3. Mais on va arrêter le site et le remplacer par un auto
Tumblr, autogéré, sans aucune implication humaine.
Iris : Le Tumblr n'aura plus besoin de nous. Il va lui même générer
des images selon le même principe que le Cobra Foutre actuel. Le
résultat est vraiment parfait, c'est une sorte de AL 9000.
Mike : On a calculé qu'il y aurait 500 000 images par an. En plus, le
code que le robot lira ses propres lignes de code en direct.
C'est top! C'est pour quand ?
Iris : C'est pour très bientôt, il est prêt mais pas encore mis en ligne.
Et à part scotch, dessins contemporains, expos, soirées, concerts et solutions internet, vous faites quoi d'autre ?
Mike : On va sortir aussi un magazine : sur le plus grand format
qu'on puisse avoir, du A0. Sur papier journal, il y aura des articles,
des BD, ce sera sérigraphié à la main par French Fourch. Le gros cerveau
du truc, c'est Pastis Hosting. Il y aura beaucoup de sélection
d'artistes et d'illustrateurs des quatre coins du monde, et il y aura
aussi par Léa, qui fait partie de Music Mécanic Circus, des interviews
de mecs complètement oubliés de 50-60-80 balais.
Iris : Il y aura aussi beaucoup d'articles incongrus comme par
exemple sur des lécheuses fétichistes de poignées de portes, et des
ananas en pixel...
Mike : Temple Vengeance c'est aussi des mix. Ils sont tous disponible
sur le site de Musiques Incongrues, ils sont très bien. Ah j'ai fait
pas mal de zic à l'époque de Pink Poseidon. Mon groupe était WOODI
SINATRA AND ZE METALASSINFIRE. C'était surtout une performance, on
essaie de créer un univers. Bon, après, c'est de la grosse noise... Et
bon, le son est dégueulasse.
Mike : Mais ça a contribué à créer mon personnage Satanik Mike. Les
gens pensaient que j'étais un gros métalleux aux cheveux longs. Enfin,
tout ça fait parti de mon travail, tout est lié.
Iris : On n'a plus rien à boire ?
When we are going against French artists, we are sometimes
disappointed. Big, big pleasant surprise with Temple Vengeance, this
time. It's in their disctrict of Belleville, that the meeting takes
place. The duet concocted us a large number of liars and some truths.
The mythology that structures their characters is about cultivating
mystery. Playing the game and without ever managing to solve the truth,
admit that to speak about coded illegible scrawls, contemporary
drawings, Internet solutions and weird ceremonies, with chiptune
background music, is not to displease us.
Tape artist, fired from the School of Fine Arts and stemming from a
scenography formation, Iris invites me to drink some wine accompanied by
Wasa bread. The die is cast and I have the impression I'm making my
first communion. She talks about her adolescence in Russia, like us, we
would remember our holiday in La Baule
Iris: I'm in this old ski resort in southern Russia during summer,
bathing in a river for two hours. And due to a lack of translation, I
finally realize that water is radioactive, because it is the wastewater
of the nuclear power plant just upstream.
So... We have a radioactive tape artist named Iris, what else?
Iris: My approach is very screenwriting. My tape art looks abstract,
when in fact it is coded images of very sharp images. Angles are a kind
of vanishing point to a reality that does not exist. This is a fake 3D, a
formal abyss, with several layers of interpretation. The reading is
therefore very airtight. Like the alchemists that coded their recipes ..
For example, my researches on Faust fit really well with my work on the
tape and dimensions. Access to a parallel universe, which has a meaning
for the initiated.
Alchemy, sigils, witchcraft, where does this interest in mysticism and obscurantism comes from?
Iris: Well, there are about three years I inherited my Czech
grandmother a ring of poison containing a lethal dose of cyanide. It
ended to shoot down the last barrier that prevented me from really start
my research on witchcraft from mother to daughter, sigils and
incantations. Not necessarily in the rites, but in writing and forms of
visualization.
For his part, Mike plays it quiet, in front of his Mac,
rolled cigarette in mouth and beer in unknown Germanic dialect at hand.
Then, and you, the Revenge, all that?
Mike: Well, I stopped the Pink Poseidon collective, and with Iris, we
started creating Temple Vengeance, about the glorification of the Will
to harm, the vengeance of God.
Fired from the DRAC, innate artist, who draws, paints and
makes graffitis for at least 15 years, Mike,,, after having eaten too
much art books, you finally choose contemporary drawing. You explain us?
Mike: It's cultivating the wrong kind, with a filthy side. It is
between popular culture and plain art. And these torn A4 pages with a
picture on it are increasingly seen as works of art. I work in series of
15, I exhibit, sell or use it as visuals for jackets of CDs, flys...
And your tattoos, they are also your drawings, except the little triangle on the forearm, what's the story about this one?
Mike: 10 years ago I was in Cayenne for my military service as a
Marine rifleman. It was not anything over there. We did a lot of cocaine
and crack and once we found ourselves in a sort of extreme animist
religious ceremony. There were women who were entranced by the spirit
possession. And it is at the end of this “party” that I got to take that
first tattoo. It was in the snatch, very stealthy. I was mostly very
stoned.
Your encounter, this is when, why, how?
Iris: 2 years ago, in the subway, I saw a bum who started yelling
strange predictions, he looked like Klaus Kiski, but with black skin,
and eyes rolling. He had a huge dog! It was like a scary but super
worthy dog from hell, that eyed you. Everyone was leaving the train.
And you Mike, were where you?
Mike: I was in the same train and the scene made us both laugh. We
understood we were going to the same exhibit of Modele Puissance in La
Place Verte. We also saw that we had the same friends, so we started
talking.
For the time being, the project has stayed very
conceptual, incredibly scripted, fantastic and structured. The idea is
to weave a mythology around two characters. To create a sort of
religion. A sect. A cult?
Iris: We’ve exhibited many times and bit by bit we’re building a sort
of world map. We plant flags, in Warsaw, in Italy, etc... Strongholds.
It’s a pseudo-religion, with pseudo-real ramifications and music as
well. We collaborate on works which can be used for anything and
everything, like the design of a gallery or the aesthetics of a product.
Your two universes complement each other perfectly. Temple = very geometric, structured, built, in 2D/mock 3D, and Vengeance, which is more sensory and instinctive, overwhelming the senses with a more humanized element.
Iris: I will be more into the theory, the interpretation, and the
adaptation of a text, and for him it is more a method of practice that
is logical and instinctive.
Mike: It’s not just instinctive, it’s also the digestion of every
book and bit of knowledge about art I’ve been able to swallow in the
last 14 years.
I heard that you had teamed up with developers and were getting into a ton of slightly crazy internet projects...
Iris: We started a dialogue with the team from Musiques Incongrues
and the community around their forum. The two creators are very engaged
with the idea of online freedom, Open Source and all that kind of thing.
We did Mille Milliards de Hasards, for example, which is an identity
generator. We needed developers, they needed designers, we got along,
and to top it off they’re super responsive, mention a project and it’s
done in a week. They’ve filled our technological gaps, like the mirror
system for data backup. It records online information in real time, so
we always have an indestructible backup, which is super useful for Cobra
Foutre for example.
For the past two years you’ve been managing a conceptual site as part of a triumvirate with Goupil Acnéique: Cobra Foutre...
Iris: Cobra represents a form of organised digestion of the
randomness of the internet. You inevitably happen upon sites that you
don’t want to end up, but your curiosity is such that you see images you
don’t want to see. It’s the voyeur-meets-risk side of the internet.
When you start organising this, it can create a series of almost
unbelievable images that run from a La Redoute catalogue all the way to
images from paedophilic sites. It ends up being an exquisite corpse and
we always take the last image of the previous post into mind when
starting the next.
Mike: We’ve made connections with contemporary artists, who we mix
into everything linearly. It turns it into a kind of continuity that we
handle backwards. It’s for this: God hates blogs taken in reverse x3.
But we’re going to stop the site, we’re going to replace it with a
self-generating Tumblr, without any human involvement.
Iris: The Tumblr won’t need us. It will generate images itself using
the same principle as the current Cobra Foutre. The result is perfect, a
kind of AL 9000.
Mike: We’ve calculated that there will be 500 000 images a year. And
the code the robot reads will be his own lines of code, live.
Amazing! When?
Iris: It’ll happen very soon, it’s ready but not online yet.
So what else do you doaside from taping, contemporary drawings, exhibitions, parties, concerts and online solutions?
Mike: We’re releasing a magazine: in the biggest format we could, A0.
On newsprint, there’ll be articles, comics, and it’ll be silkscreened
by hand by French Fourch. The brains behind the thing is Pastis Hosting.
There’ll be a big selection of artists and illustrators from all over
the world, and also interviews of forgotten dudes who were huge in the
50s 60s and 70s by Léa, who is part of Music Mécanic Circus.
Iris: There will also be a lot of unusual articles like for example
one on having a fetish for licking doorknobs, or pixelised pineapple...
Mike: Temple Vengeance also does mixes. They’re all available on
Musiques Incongrues’ site, they’re really good. I made a lot of zic back
in the Pink Poseidon days. My band was called WOODY SINATRA AND ZE
METALASSINFIRE. It was mostly performance, we were trying to create a
universe. Well, in the end, it was loud noise... And, well, the sound is
disgusting.
Mike: But it contributed to the creation of Satanik Mike. People
thought I was a metalhead with long hair. Really, all of this is part of
my work, everything is connected.
Iris: There’s nothing left to drink?
More :
Temple Vengeance : http://templevengeance.incongru.org/
Satanik Mike : http://templealphacanismajoris.partouze-cagoule.fr/
Iris Veverka : http://iris.ledrome.com/
Cobra Foutre : http://cobrafoutre.tumblr.com/
Musiques Incongrues : http://www.musiques-incongrues.net/forum/
Générateur d'ID : http://www.millemilliards.net/identites/
French Fourch : http://www.frenchfourch.com/
Article pour WAD [http://wadmag.com/words/files/temple-vengeance-god-hates-blogs-taken-in-reverse-x3/]
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