Avec les 90s et le culte du corps bodybuildé, la
notion de santé et le terme "healthy" fraichement déterré, les obèses
fanas de junk food n'en menaient pas large. Stigmatisés, considérés comme
"malades", les gros du monde entier préféraient déjeuner
incognito dans leurs voitures au drive-in du coin plutôt que de se
trémousser dégoulinants de sueur au vu et au su de tous ces corps
"sains" qui courent plus vite que toi sans jamais
transpirer.
On observe depuis quelques années une étrange
réaction sociétale. Plutôt que de courir après un énième standard de bouffe
clean, on préfère se ruer sur les fastfoods et autres fritures dégueues. Que
sont devenues les pensées responsabilisantes éco-mondialistes des 90s ? Est-on
devenu égoïste au point de s'en battre les steaks de la surproduction
alimentaire ? Manger différemment est une chose, mais manger contre-healthy
avec une arrogance insolente signifie quoi de vous, de moi, de nous ?
Pourquoi prendre en photo sa bouffe malsaine ? A-t-on oublié les africains qui
crèvent la dalle ? Veut-on dire aux gros qu'ils n'ont pas de bol ? Exposer aux
yeux du monde, fièrement, une photo de nachos au fromage bourrés de cholestérol
et l'affubler d'un #pornfood d'un #burger ou d'un #nothealthy, pourquoi c'est devenu top cool ?
PARCE QU'ON N’Y CROIT PLUS (NO FUTURE,
REVOLUTION, TOUSSA, TOUSSA...)
Certes, aujourd'hui, être gros n'est pas plus
toléré par notre société angoissée par la maladie et la mort. Cependant, la
qualité de nos aliments a moins d'importance qu'avant. Comme pour dire qu'on
emmerde les OGM, la vache folle, la grippe aviaire ou ce qui est à venir, parce
que manger des légumes ou autre chose, au final ça va nous tuer. Les
scandales alimentaires mondiaux ont fini de ternir tous nos espoirs de
consommer un jour un aliment complètement safe.
Associer les hashtags pornfood ou hamburger à nos
photos de junk food Istagram, est une révolution en soi. Et je pèse mes
mots. C'est le signe d'un contre-courant de la société qui refuse de se
laisser piéger par un nouveau mangez-bougez. Aujourd'hui les légumes OGM, hier
le poisson, la viande rouge, et la charcuterie, demain le bio ? Plus personne
ne sait à quel sacro-saint de la bouffe diététique se vouer. Manger des
aliments diététiques ? C'est bourré de sucre et de gras. Le bio ? Pas sûr qu'il
n'y ait pas d’OGM. Un régime hyper protéiné ? Ca fait grimper le cholestérol et
bousille vos reins. Un régime tout court ? Ca fait grossir. A force de perdre
nos repères on finit par lâcher prise, et c'est compréhensible. Par
contre, oh grand Dieu, plus jamais on ne nous y prendra! Le retour à la
junk food, une façon de dire qu'on sait qu'on va crever, mais qu'au moins là,
on sait pourquoi dès le départ.
PARCE QU'ON EST EN CRISE (ET PAS QU'UN
PEU)
Dans les 00's, la crise n'était qu'à ses
balbutiements, on voulait encore croire aux relans 90s de l'anticapitalisme et
de la conscience bobo-bio sociétale. C'était un joli monde qui croyait en un
futur tout vert, avec des arbres sur les murs des immeubles pour locataires
précaires, des paniers bios moins cher que le resto et 30 minutes de marche
quotidienne.
Depuis il y a eu le chômage, des guerres, des crèves-la-dalle
partout et bientôt des assoiffés. Ras le cul de stresser devant la télé ou pour
l'avenir, il s'agit maintenant de vivre l'instant présent. Ca tombe bien, on a
Instagram. On va donc instagrammer des sources de plaisir. La malbouffe est
hyper jouissive. Logiquement, on finit avec des millions de photos de
hamburgers plus riches en calories que le repas moyen annuel d'un sahélien. On
savait déjà qu'en temps de crise les ventes de rouge à lèvre explosaient, on
sait maintenant que les photos de burgers aussi.
En plus, plus personne (ou presque) n'a de
quoi s'offrir du bio et équitable. Et il faut avouer que manger 4
petits pois et 1 rondelle de carotte à 50€ alors que d'autres sucent des
cailloux pour faire passer la faim, c'est limite du foutage
de gueule. No more hypocrisie : un bon burger et hop, on sait tout de suite
pourquoi on habite du bon côté de l'Equateur.
PARCE QU'ON FUT UN GEEK (ET ETRE
GEEK C’EST TROP SOIN)
Cependant, le terme geek ou geekette, au delà de
l’abus sans précédent de son utilisation à des fins trollesques, est à utiliser
avec parcimonie. Le sens même de geek, est à revoir. Bien avant qu’il devienne
tendance, le geek ou le nerd ou encore pire le dork, était ce que personne ne
voulait être. Un mec un peu chelou, avec de gros problèmes psycho-sociaux et
comportementaux sans doute en lien avec son incroyable intelligence. En gros c’était
un autiste socialement inapte et foncièrement matheux, doué pour les chiffres,
mauvais en relations humaines. En gros bis : son cerveau gauche marche
mieux que la moyenne et son cerveau droit, plutôt moins bien. Et il avait bizarrement
tendance à être en plus pas très beau à regarder, avec une attitude d’évitement
et un humour incompréhensible.
En plus, le geek se nourrit mal. Adepte de la
junk food, il représente l’anti-popular américain (hyper sain, et sportif). Lui,
c’est jeux vidéos et malbouffe. Dans les 90s ou 00s le geek tel que décrit
précédemment perd un peu de sa valeur. Il en existe moins et l’imagerie geek s’applique
pour d’autres personnages autrefois sans étiquette : les video gamers
compulsifs, en ligne de préférence World of Warcraft, jeux Magic l’Assemblée ou
ce genre de chose qui permettent de communiquer en s’oubliant soi-même. Ces
jeunes gens souvent de sexe masculin, sont accros au sodas et au grignotage
(jouer en ligne toute la journée donne faim). Le manque de relations sociales,
influe sur le stress et le stress influe sur la conduite alimentaire. Pour
compenser le geek va donc s’octroyer des moments de plaisir à efficacité immédiate : la malbouffe. Si
en plus il s’ennuie, les portions sont multipliées par 4. Comme il tient à son
intellect et n’a pas tellement confiance en son inconscient, il ne consommera
pas ou peu de drogues et alcools.
Si vous vous êtes reconnus dans ce second
paragraphe, il est fort à parier qu’encore aujourd’hui vous aimez les burgers
et le coca, la pizza de chez pizza hut ou le chinois du coin. Par contre vous
êtes un ancien geek puisque depuis vous vous êtes abonné à Instagram et que vous
êtes donc en voie de guérison de votre incapacité sociale.
NB :
les geeks ne sont donc surtout pas liés à la Gen y et encore moins aux community
managers / journalistes / blogueurs fans de jeux vidéo et de BD : ceux là
sont des néo-geeks, voir des imposteurs.
PARCE QU'ON VEUT SE REPRODUIRE (ET
TROMPER SON MONDE)
Le truc le plus dingue quand je vois toutes ces
photos de burgers des instagrammos, c’est que la plupart sont envoyés par des
filles, et la plupart de ces filles ont une ligne parfaite. Quel est le bug ?
En 2012 le burger est sain ? Fitness et burger enfin un combo gagnant ?
Cette propension anorexico-boulimique me fascine.
Revenons sur les faits : une anorexique
aimera cuisiner des plats de préférence très gras et très sucrés à ses convives,
juste pour le plaisir de les voir grossir, alors que elle, contrôle son apport
de gras et de sucre. C’est donc très valorisant pour elle qui a un problème
avec le regard des autres. Selon moi, poster de la malbouffe sur les
réseaux sociaux (et n’en manger qu’un quart voire pire, le burger constitue l’unique
apport calorique de la journée) alors qu’on a pas un pet de gras est une
nouvelle forme d’expression de l’anorexie.
Le message est doublement trompeur : d’une
part on veut faire croire qu’en mangeant mal on ne grossit pas, d’autre par que
c’est uniquement dû à nos gènes surpuissants qui nous empêchent de prendre du
gras (faux argument, autant dire qu’on est gros parce qu’on a de « gros os » :
les gens minces mangent moins – ou mieux, et se dépensent plus. Point barre.) D’une
pierre deux coups on envoie des signaux ultra positifs aux membres du sexe
opposés : nos enfants ne seront jamais gros ! Les intéressés
vérifieront tout de même le physique de votre mère avant de vous épouser.
PARCEQU’ON EST VIVANT (ET DANS LE DENI)
A force de toutes ces campagnes de prévention (tabac,
cancers, alcool, bouffe, sport, sexe…) qui ont déboulé ces 15 dernières années
on a l’impression que le moindre plaisir est source de mort. Impossible de s’octroyer
1 minute de bonheur ou de satisfaction sans que les doc’ du monde entier tirent
la sonnette d’alarme. Alors manger du gras/sucré et monter qu’on le fait est
vraisemblablement la meilleure façon de dire au monde qu’on est vivant. Et que
la maladie, très peu pour nous, bande de souffreteux. YOLO.
Pour aller plus loin :
#burger :
http://statigr.am/tag/burger
#eattolive
: http://statigr.am/tag/eattolive/
Les burgers c’est trop cool sur MeltyFood : http://www.meltyfood.fr/instagram-le-top-des-burgers-de-la-semaine-a131479.html
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire