3 oct. 2012

Pourquoi tant de burgers sur Instagram?



 Avec les 90s et le culte du corps bodybuildé, la notion de santé et le terme "healthy" fraichement déterré, les obèses fanas de junk food n'en menaient pas large. Stigmatisés, considérés comme "malades", les gros du monde entier préféraient déjeuner incognito dans leurs voitures au drive-in du coin plutôt que de se trémousser dégoulinants de sueur au vu et au su de tous ces corps "sains" qui courent plus vite que toi sans jamais transpirer.

On observe depuis quelques années une étrange réaction sociétale. Plutôt que de courir après un énième standard de bouffe clean, on préfère se ruer sur les fastfoods et autres fritures dégueues. Que sont devenues les pensées responsabilisantes éco-mondialistes des 90s ? Est-on devenu égoïste au point de s'en battre les steaks de la surproduction alimentaire ? Manger différemment est une chose, mais manger contre-healthy avec une arrogance insolente signifie quoi de vous, de moi, de nous ? Pourquoi prendre en photo sa bouffe malsaine ? A-t-on oublié les africains qui crèvent la dalle ? Veut-on dire aux gros qu'ils n'ont pas de bol ? Exposer aux yeux du monde, fièrement, une photo de nachos au fromage bourrés de cholestérol et l'affubler d'un #pornfood d'un #burger ou d'un #nothealthy, pourquoi c'est devenu top cool ?

  

PARCE QU'ON N’Y CROIT PLUS (NO FUTURE, REVOLUTION, TOUSSA, TOUSSA...)

Certes, aujourd'hui, être gros n'est pas plus toléré par notre société angoissée par la maladie et la mort. Cependant, la qualité de nos aliments a moins d'importance qu'avant. Comme pour dire qu'on emmerde les OGM, la vache folle, la grippe aviaire ou ce qui est à venir, parce que manger des légumes ou autre chose, au final ça va nous tuer. Les scandales alimentaires mondiaux ont fini de ternir tous nos espoirs de consommer un jour un aliment complètement safe.

Associer les hashtags pornfood ou hamburger à nos photos de junk food Istagram, est une révolution en soi. Et je pèse mes mots. C'est le signe d'un contre-courant de la société qui refuse de se laisser piéger par un nouveau mangez-bougez. Aujourd'hui les légumes OGM, hier le poisson, la viande rouge, et la charcuterie, demain le bio ? Plus personne ne sait à quel sacro-saint de la bouffe diététique se vouer. Manger des aliments diététiques ? C'est bourré de sucre et de gras. Le bio ? Pas sûr qu'il n'y ait pas d’OGM. Un régime hyper protéiné ? Ca fait grimper le cholestérol et bousille vos reins. Un régime tout court ? Ca fait grossir. A force de perdre nos repères on finit par lâcher prise, et c'est compréhensible. Par contre, oh grand Dieu, plus jamais on ne nous y prendra! Le retour à la junk food, une façon de dire qu'on sait qu'on va crever, mais qu'au moins là, on sait pourquoi dès le départ.



PARCE QU'ON EST EN CRISE (ET PAS QU'UN PEU)

Dans les 00's, la crise n'était qu'à ses balbutiements, on voulait encore croire aux relans 90s de l'anticapitalisme et de la conscience bobo-bio sociétale. C'était un joli monde qui croyait en un futur tout vert, avec des arbres sur les murs des immeubles pour locataires précaires, des paniers bios moins cher que le resto et 30 minutes de marche quotidienne.

Depuis il y a eu le chômage, des guerres, des crèves-la-dalle partout et bientôt des assoiffés. Ras le cul de stresser devant la télé ou pour l'avenir, il s'agit maintenant de vivre l'instant présent. Ca tombe bien, on a Instagram. On va donc instagrammer des sources de plaisir. La malbouffe est hyper jouissive. Logiquement, on finit avec des millions de photos de hamburgers plus riches en calories que le repas moyen annuel d'un sahélien. On savait déjà qu'en temps de crise les ventes de rouge à lèvre explosaient, on sait maintenant que les photos de burgers aussi.

En plus, plus personne (ou presque) n'a de quoi s'offrir du bio et équitable. Et il faut avouer que manger 4 petits pois et 1 rondelle de carotte à 50€ alors que d'autres sucent des cailloux pour faire passer la faim, c'est limite du foutage de gueule. No more hypocrisie : un bon burger et hop, on sait tout de suite pourquoi on habite du bon côté de l'Equateur.



PARCE QU'ON FUT UN GEEK (ET ETRE GEEK C’EST TROP SOIN)

Cependant, le terme geek ou geekette, au delà de l’abus sans précédent de son utilisation à des fins trollesques, est à utiliser avec parcimonie. Le sens même de geek, est à revoir. Bien avant qu’il devienne tendance, le geek ou le nerd ou encore pire le dork, était ce que personne ne voulait être. Un mec un peu chelou, avec de gros problèmes psycho-sociaux et comportementaux sans doute en lien avec son incroyable intelligence. En gros c’était un autiste socialement inapte et foncièrement matheux, doué pour les chiffres, mauvais en relations humaines. En gros bis : son cerveau gauche marche mieux que la moyenne et son cerveau droit, plutôt moins bien. Et il avait bizarrement tendance à être en plus pas très beau à regarder, avec une attitude d’évitement et un humour incompréhensible.

En plus, le geek se nourrit mal. Adepte de la junk food, il représente l’anti-popular américain (hyper sain, et sportif). Lui, c’est jeux vidéos et malbouffe. Dans les 90s ou 00s le geek tel que décrit précédemment perd un peu de sa valeur. Il en existe moins et l’imagerie geek s’applique pour d’autres personnages autrefois sans étiquette : les video gamers compulsifs, en ligne de préférence World of Warcraft, jeux Magic l’Assemblée ou ce genre de chose qui permettent de communiquer en s’oubliant soi-même. Ces jeunes gens souvent de sexe masculin, sont accros au sodas et au grignotage (jouer en ligne toute la journée donne faim). Le manque de relations sociales, influe sur le stress et le stress influe sur la conduite alimentaire. Pour compenser le geek va donc s’octroyer des moments de plaisir à  efficacité immédiate : la malbouffe. Si en plus il s’ennuie, les portions sont multipliées par 4. Comme il tient à son intellect et n’a pas tellement confiance en son inconscient, il ne consommera pas ou peu de drogues et alcools.

Si vous vous êtes reconnus dans ce second paragraphe, il est fort à parier qu’encore aujourd’hui vous aimez les burgers et le coca, la pizza de chez pizza hut ou le chinois du coin. Par contre vous êtes un ancien geek puisque depuis vous vous êtes abonné à Instagram et que vous êtes donc en voie de guérison de votre incapacité sociale.

NB : les geeks ne sont donc surtout pas liés à la Gen y et encore moins aux community managers / journalistes / blogueurs fans de jeux vidéo et de BD : ceux là sont des néo-geeks, voir des imposteurs.

  

PARCE QU'ON VEUT SE REPRODUIRE (ET TROMPER SON MONDE)

Le truc le plus dingue quand je vois toutes ces photos de burgers des instagrammos, c’est que la plupart sont envoyés par des filles, et la plupart de ces filles ont une ligne parfaite. Quel est le bug ? En 2012 le burger est sain ? Fitness et burger enfin un combo gagnant ? Cette propension anorexico-boulimique me fascine.

Revenons sur les faits : une anorexique aimera cuisiner des plats de préférence très gras et très sucrés à ses convives, juste pour le plaisir de les voir grossir, alors que elle, contrôle son apport de gras et de sucre. C’est donc très valorisant pour elle qui a un problème avec le regard des autres. Selon moi, poster de la malbouffe sur les réseaux sociaux (et n’en manger qu’un quart voire pire, le burger constitue l’unique apport calorique de la journée) alors qu’on a pas un pet de gras est une nouvelle forme d’expression de l’anorexie.

Le message est doublement trompeur : d’une part on veut faire croire qu’en mangeant mal on ne grossit pas, d’autre par que c’est uniquement dû à nos gènes surpuissants qui nous empêchent de prendre du gras (faux argument, autant dire qu’on est gros parce qu’on a de « gros os » : les gens minces mangent moins – ou mieux, et se dépensent plus. Point barre.) D’une pierre deux coups on envoie des signaux ultra positifs aux membres du sexe opposés : nos enfants ne seront jamais gros ! Les intéressés vérifieront tout de même le physique de votre mère avant de vous épouser.



PARCEQU’ON EST VIVANT (ET DANS LE DENI)

 A force de toutes ces campagnes de prévention (tabac, cancers, alcool, bouffe, sport, sexe…) qui ont déboulé ces 15 dernières années on a l’impression que le moindre plaisir est source de mort. Impossible de s’octroyer 1 minute de bonheur ou de satisfaction sans que les doc’ du monde entier tirent la sonnette d’alarme. Alors manger du gras/sucré et monter qu’on le fait est vraisemblablement la meilleure façon de dire au monde qu’on est vivant. Et que la maladie, très peu pour nous, bande de souffreteux. YOLO.



Pour aller plus loin :


Aucun commentaire: